
Des appareils photos jetables aux clichés de rue qui racontent le monde
Un déclic. Un instant. Une histoire. La photographie de rue n’est pas qu’une affaire de technique ou de matériel. C’est une affaire de sensibilité. Loin de la scène parfaitement mise au point ou de la photo posée, la rue offre son authenticité brute, ses contradictions et ses mystères. Sur elle, se pose mon regard subjectif, une façon de la raconter sans mots. Tel un puzzle vivant, chaque cliché est une pièce qui contribue à une narration : une époque, une atmosphère, une émotion, une vérité. Capturer ces instants qui échappent à la routine, c’est figer le temps pour saisir l’inattendu dans toute sa spontanéité. Mon objectif est mon témoin, cherchant à graver l’âme d’un moment.
De la pellicule aux ombres : l’éveil de ma pratique photographique
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai très tôt tenu un appareil photo entre mes mains. Adolescente, chaque départ en vacances au Maroc était marqué par un rituel qui m’enthousiasmait : acheter des appareils photo jetables. J’en avais toute une collection pour m’assurer de faire le plein de souvenirs… À l’époque, je ne pensais pas à la technicité. Je voulais simplement fixer des visages, des moments en famille, des éclats de rire. La récompense ? Découvrir avec excitation des souvenirs précieusement enfermés dans des pellicules en récupérant les tirages.
Mais c’est au lycée que ma pratique de la photographie a pris une autre dimension. Dans le labo photo de l’établissement, j’ai découvert le noir et blanc. Voir une image apparaître lentement sur le papier m’a fascinée. C’est comme si la réalité se révélait autrement. Plus épurée, plus intense. Le noir et blanc m’obligeait à regarder différemment, à percevoir les ombres, les lignes, les textures. C’est là que j’ai compris que la photographie était plus qu’un souvenir figé. C’était une interprétation du monde.
Devenir photo-reporter : le virus Tintin et Arte
Toujours durant mon adolescence, je me plonge dans les aventures palpitantes de Tintin et les reportages d’Arte qui m’emmènent aux quatre coins du monde. La découverte de cultures différentes, de modes de vie variés, et de paysages époustouflants derrière l’écran de ma télé m’émerveille. L’image a ce pouvoir incroyable de nous transporter ailleurs, de transcender les mots. C’est une révélation. L’envie d’être journaliste reporter d’images s’ancre en moi. Je m’imagine arpenter des terres lointaines, faire des rencontres marquantes et exercer un journalisme à visage humain.
Au fil de mes études en journalisme et en audiovisuel, j’apprends à écrire, à interviewer, à cadrer. Pourtant, la réalité du métier me rattrape vite. Si mon parcours universitaire m’avait ouvert la porte sur un univers créatif et exaltant, le monde professionnel m’a confrontée àun circuit saturé où seules l’endurance et la résilience permettent d’y survivre. C’est pourquoi j’ai pris la décision pragmatique de réorienter ma carrière vers d’autres horizons. La photographie de rue est alors devenue ma forme de résistance intime, pratiquée en dehors des cadres professionnels. Elle est mon espace de liberté, le prolongement de mon observation sensible, sans contrainte ni pression.
Photographie de rue : un terrain de jeu à ciel ouvert
La photographie de rue devient alors une évidence. L’espace urbain ne se pose pas, il vit. Chaque coin cache une scène, chaque visage raconte une histoire. Comme le disait Robert Doisneau, « Le cinéma ne peut arranger l’inattendu que l’on trouve dans la rue ». Ce qui se joue entre deux passants ou une lumière rasante qui dessine une silhouette, c’est un instant qui n’existera plus jamais, si ce n’est dans l’image capturée. Dans la photographie de rue, il n’y a pas de deuxième prise. Tout est une question de patience, d’instinct et d’œil affûté. C’est une chasse aux instants fugaces. Un détail, un geste anodin peut se transformer en photographie marquante.
Une tension, une harmonie, une poésie… Quand j’attrape au vol une scène éphémère, j’ai cette sensation de privilège : celui de voir ce que d’autres ne remarquent pas. Et c’est ce frisson-là, cette alchimie entre l’inattendu fulgurant et le regard alerte qui me pousse à déclencher. La rue est un terrain de jeu inépuisable, une scène en perpétuel mouvement où le banal devient spectacle. Aujourd’hui, mon appareil photo est un fidèle compagnon de route, une extension de ma curiosité insatiable pour les moments volés à la frénésie urbaine. Il me pousse à déjouer le quotidien et à révéler ce que la rue cache à ceux qui ne prennent pas le temps de s’arrêter, comme un secret murmuré à l’oreille de mes yeux.
Ce blog est une invitation à découvrir mon univers photographique. Une galerie composée de fragments de réalité pris sur le vif, qui reflètent l’essence même de la photographie de rue. Alors, bienvenue dans ma perception du monde. Peut-être que, comme moi, vous passerez souvent devant ces scènes qui semblent anodines mais qui, une fois capturées, deviennent un miroir vivant de notre quotidien.